La charité est le cœur de notre foi. (P.Verkys)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 25, 31-46

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.

« Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

« Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.” Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?” Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”

La charité est le cœur de notre foi

Si pendant ce temps de carême où nous sommes appelés à prier et faire pénitence nous manquons de charité, nous passons à côté de l’essentiel. Jésus s’identifie dans cet évangile au pauvre et au malheureux que nous pouvons rencontrer dans notre vie ou sur nos chemins. Peu importe sa provenance ou son identité, ne passe à côté de ta chance de donner à Jésus, d’aider Jésus: «chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”» Ne vivons pas une charité sélective mais un amour universel. C’est à cela que Jésus nous appelle.

« Jésus fut tenté par Satan, et les anges le servaient » (Mc 1, 12-15) P Verkys

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc1, 12-15

En ce temps-là, Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.

Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

— Acclamons la Parole de Dieu.

Méditons

Le premier dimanche de carême nous parle de la tentation de Jésus au désert. Saint Marc est le plus concis sur cet épisode. C’est la tentation du pouvoir, de l’avoir et du savoir. Jésus n’a succombé à aucune d’entre elles. Dans l’étroite communion avec son Père, il a vainc le tentateur. Et nous aussi si nous restons en étroite communion avec Dieu nous pouvons vaincre le tentateur, c’est-à-dire le diable qui nous conduit au péché. Le désert dont nous parle l’évangile est le lieu d’intimité avec Dieu, qui nécessite un retrait de l’envahissement du quotidien pour cultiver l’homme intérieur. Cette culture de l’homme intérieur passe par une fervente prière régulière et la méditation de la parole de Dieu. Cela rend évidemment notre charité très active et vraie et débouche sur une pénitence sincère. L’on prend conscience de sa petitesse et on devient humble. Rappelez-vous, j’ai toujours que c’est l’humble qui prie. Car il sait qu’il ne peut rien sans Dieu dont tout dépend en réalité.

Bon dimanche

Est- ce que j’accepte de me convertir ?

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 5, 27-32

En ce temps-là, Jésus sortit et remarqua un publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts) du nom de Lévi assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » Abandonnant tout, l’homme se leva ; et il le suivait. Lévi donna pour Jésus une grande réception dans sa maison ; il y avait là une foule nombreuse de publicains et d’autres gens attablés avec eux. Les pharisiens et les scribes de leur parti récriminaient en disant à ses disciples : « Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? » Jésus leur répondit : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. »

— Acclamons la Parole de Dieu.

Méditons

Cet évangile nous montre que Jésus n’exclut pas les pécheurs. Et notre Église est appelée à faire de même, n’exclure personne. Mais comme le Christ qui a le courage d’appeler à la conversion, peut-elle le faire aujourd’hui dans le contexte actuel ? C’est de ce courage qu’elle a besoin.
Nous sommes tous appelés à faire des ruptures comme Matthieu. Il profitait certainement de l’argent détourné mais a accepté de rompre avec cette pratique pour suivre le Christ. Le péché parfois nous profit quand nous tirons tel plaisir ou avantage et il n’est pas aisé de toujours rompre. C’est un choix à faire pour ou contre Dieu. Puisse ce temps de carême nous aider à travers nos prières et nos efforts à opérer les ruptures qui s’imposent pour devenir véritablement disciples.

Si notre jeune ne nous amène pas à la conversion il ne sert pas notre âme. (P.Verkys)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 9, 14-15

En ce temps-là, les disciples de Jean le Baptiste s’approchèrent de Jésus en disant : « Pourquoi, alors que nous et les pharisiens, nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Jésus leur répondit : « Les invités de la noce pourraient-ils donc être en deuil pendant le temps où l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront. »

Méditons

Alors que l’église a toujours promu le jeûne en signe de pénitence et de repentance, aujourd’hui il est promu par des diététiciens et des nutritionnistes comme nécessaire pour une bonne santé et parfois comme curatif. Dans les deux cas on voit l’importance du jeûne pour l’homme, son âme et son corps. Quel sens je donne à mon jeûne ? Pendant que nous sommes en route vers les noces éternelles nous sommes invités à jeûner pour nous purifier et reconnaître notre petitesse devant la sainteté et la grandeur de Dieu qui nous veut avec lui. Jeûner pour demander pardon pour nos péchés et ceux des autres. Le jeûne doit nous amener non seulement à la repentance mais à un véritable renouvellement de vie afin d’être introduit un jour en présence de l’Époux. En clair si notre jeûne ne nous amène pas à la conversion, il ne sert pas à notre âme. Puisse l’Esprit de Dieu nous aider à faire des pas de conversion tout au long de ce carême pour un renouvellement à Pâques

La vie véritable est dans le don et l’abandon (P.Verkys)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9, 22-25

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »

Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? »

Méditons

Dans un monde où prendre soin de soi est très important cet évangile peut paraître choquant. Alors qu’on parle de sauver sa vie Jésus nous demande de la perdre. Est-ce à dire que Jésus veut que nous négligions notre vie ? Non pas du tout. Ne pas l’entretenir ou en prendre soin c’est négliger le don de Dieu car notre vie est un cadeau que Dieu nous a fait. Mais est que le cadeau est plus grand que le donateur ? Jésus veut tout simplement nous enseigner de ne pas mettre notre vie avant Dieu car c’est lui qui en prend véritablement soin. Comme il le dit dans Matthieu : « Chercher d’abord le royaume de Dieu et tout le reste vous sera donner en plus. C’est dans l’abandon total à Dieu qu’on reçoit tout de lui. Cet abandon entraine une mort en soi mais une mort pour une vie resplendissante, pleine de vie, de joie et de Dieu

Temps de grâce pour vivre dans l’intimité de Dieu (P. Verkys)

Nous commençons aujourd’hui notre combat spirituel pour nous rapprocher davantage de Dieu, vivre une profonde intimité avec lui pour grandir dans son amour. Et pour se faire Jésus dans l’évangile nous demande de nous retirer dans la discrétion. Plus que jamais dans un monde très bruyant nous avons
effectivement besoin de nous retirer, nous mettre en retrait de tout ce qui nous distrait et nous vole le temps de l’écoute de Dieu, le temps de la prière, le temps de la charité et de toutes ces choses qui nous volent notre joie, celle qui vient d’un cœur qui éprouve profondément l’amour de Dieu.
Ce retrait nous fait certes éprouver une solitude qui permet dans le même de faire l’expérience de la sollicitude de Dieu. Nous sommes fortifiés pour vivre avec les autres de cet amour dont nous sommes comblés. Il est toujours nécessaire dans une de s’arrêter pour faire le point. Le temps carême est celui où nous sommes appelés à faire le point sur notre chemin de foi, sur la manière dont nous vivons l’amour et sur notre espérance concrète. Celle-ci donne sens à notre jeûne, à notre prière et conforte notre charité.

 « À travers le désert Dieu nous guide vers la liberté ».

Message du Saint-Père pour le Carême 2024 

Chers frères et sœurs !

Lorsque notre Dieu se révèle, il communique la liberté : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage » (Ex 20, 2). C’est ainsi que s’ouvre le Décalogue donné à Moïse sur le mont Sinaï. Le peuple sait bien de quel exode Dieu parle : l’expérience de l’esclavage est encore gravée dans sa chair. Il reçoit les dix consignes dans le désert comme un chemin vers la liberté. Nous les appelons « commandements », pour souligner la force de l’amour avec lequel Dieu éduque son peuple. Il s’agit en effet d’un appel vigoureux à la liberté. Il ne se réduit pas à un seul événement, car il mûrit au cours d’un cheminement. De même qu’Israël dans le désert conserve encore en lui l’Égypte – en fait, il regrette souvent le passé et murmure contre le ciel et contre Moïse – de la même façon, aujourd’hui, le peuple de Dieu garde en lui des liens contraignants qu’il doit choisir d’abandonner. Nous nous en rendons compte lorsque nous manquons d’espérance et que nous errons dans la vie comme sur une lande désolée, sans terre promise vers laquelle tendre ensemble. Le Carême est le temps de la grâce durant lequel le désert redevient – comme l’annonce le prophète Osée – le lieu du premier amour (cf. Os 2, 16-17). Dieu éduque son peuple pour qu’il sorte de l’esclavage et expérimente le passage de la mort à la vie. Comme un époux, il nous ramène à lui et murmure à notre cœur des paroles d’amour.

L’exode de l’esclavage vers la liberté n’est pas un chemin abstrait. Pour que notre Carême soit aussi concret, la première démarche est de vouloir voir la réalité. Lorsque, dans le buisson ardent, le Seigneur attira Moïse et lui parla, il se révéla immédiatement comme un Dieu qui voit et surtout qui écoute : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel » (Ex 3, 7-8). Aujourd’hui encore, le cri de tant de frères et sœurs opprimés parvient au ciel. Posons-nous la question : est-ce qu’il nous parvient à nous aussi ? Nous ébranle-t-il ? Nous émeut-il ? De nombreux facteurs nous éloignent les uns des autres, en bafouant la fraternité qui, à l’origine, nous liait les uns aux autres.

Lors de mon voyage à Lampedusa, j’ai opposé à la mondialisation de l’indifférence deux questions de plus en plus actuelles : « Où es-tu ? » (Gn 3, 9) et « Où est ton frère ? » (Gn 4, 9). Le parcours de Carême sera concret si, en les écoutant à nouveau, nous reconnaissons que nous sommes encore sous la domination du Pharaon. Une domination qui nous épuise et nous rend insensibles. C’est un modèle de croissance qui nous divise et nous vole l’avenir. La terre, l’air et l’eau en sont pollués, mais les âmes sont elles aussi contaminées. En effet, bien que notre libération ait commencé avec le baptême, il subsiste en nous une inexplicable nostalgie de l’esclavage. C’est comme une attirance vers la sécurité du déjà vu, au détriment de la liberté.

Je voudrais souligner, dans le récit de l’Exode, un détail qui n’est pas sans importance : c’est Dieu qui voit, qui s’émeut et qui libère, ce n’est pas Israël qui le demande. Le Pharaon, en effet, anéantit même les rêves, vole le ciel, fait apparaître comme immuable un monde où la dignité est bafouée et où les relations authentiques sont déniées. En un mot, il réussit à enchaîner à lui-même. Posons-nous la question : est-ce que je désire un monde nouveau ? Suis-je prêt à me libérer des compromis avec l’ancien ? Le témoignage de nombreux frères évêques et d’un grand nombre d’artisans de paix et de justice me convainc de plus en plus à devoir dénoncer un défaut d’espérance. Il s’agit d’un obstacle au rêve, d’un cri muet qui monte jusqu’au ciel et touche le cœur de Dieu et ressemble à ce regret de l’esclavage qui paralyse Israël dans le désert, en l’empêchant d’avancer. L’exode peut prendre fin : autrement, on ne pourrait pas expliquer pourquoi une humanité qui a atteint le seuil de la fraternité universelle et des niveaux de développement scientifique, technique, culturel et juridique capables d’assurer la dignité de tous, tâtonne dans l’obscurité des inégalités et des conflits.

Dieu ne s’est pas lassé de nous. Accueillons le Carême comme le temps fort durant lequel sa Parole s’adresse de nouveau à nous : «  Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage » (Ex 20, 2). C’est un temps de conversion, un temps de liberté. Jésus lui-même, comme nous le rappelons chaque année à l’occasion du premier dimanche de Carême, a été conduit par l’Esprit au désert pour être éprouvé dans sa liberté. Pendant quarante jours, il sera devant nous et avec nous : il est le Fils incarné. Contrairement au Pharaon, Dieu ne veut pas des sujets, mais des fils. Le désert est l’espace dans lequel notre liberté peut mûrir en une décision personnelle de ne pas retomber dans l’esclavage. Pendant le Carême, nous trouvons de nouveaux critères de jugement et une communauté avec laquelle nous engager sur une route que nous n’avons jamais parcourue auparavant.

Cela implique une lutte : le livre de l’Exode et les tentations de Jésus dans le désert nous le disent clairement. À la voix de Dieu, qui dit : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie » (Mc 1, 11) et « Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi » (Ex 20, 3), s’opposent en effet les mensonges de l’ennemi. Les idoles sont plus redoutables que le Pharaon : nous pourrions les considérer comme sa voix en nous. Pouvoir tout faire, être reconnu par tous, avoir le dessus sur tout le monde : chaque être humain ressent en lui la séduction de ce mensonge. C’est une vieille habitude. Nous pouvons nous accrocher ainsi à l’argent, à certains projets, à des idées, à des objectifs, à notre position, à une tradition, voire à certaines personnes. Au lieu de nous faire avancer, elles nous paralyseront. Au lieu de nous rapprocher, elles nous opposeront. Mais il y a une nouvelle humanité, le peuple des petits et des humbles qui n’a pas succombé à l’attrait du mensonge. Alors que les idoles rendent muets, aveugles, sourds, ou immobiles ceux qui les servent (cf. Ps 114, 4), les pauvres en esprit sont immédiatement ouverts et prêts : une silencieuse force de bien qui guérit et soutient le monde.

Il est temps d’agir, et durant le Carêmeagir c’est aussi s’arrêter. S’arrêter en prièrepour accueillir la Parole de Dieu, et s’arrêter comme le Samaritainen présence du frère blessé. L’amour de Dieu et du prochain est un unique amour. Ne pas avoir d’autres dieux, c’est s’arrêter en présence de Dieu, devant la chair de son prochain. C’est pourquoi la prière, l’aumône et le jeûne ne sont pas trois exercices indépendants, mais un seul mouvement d’ouverture, de libération : finies les idoles qui nous alourdissent, finis les attachements qui nous emprisonnent. C’est alors que le cœur atrophié et isolé s’éveillera. Alors, ralentir et s’arrêter. La dimension contemplative de la vie, que le Carême nous fera ainsi redécouvrir, mobilisera de nouvelles énergies. En présence de Dieu, nous devenons des frères et des sœurs, nous percevons les autres avec une intensité nouvelle : au lieu de menaces et d’ennemis, nous trouvons des compagnons et des compagnes de route. C’est le rêve de Dieu, la terre promise vers laquelle nous tendons une fois sortis de l’esclavage.

La forme synodale de l’Église, que nous redécouvrons et cultivons ces dernières années, suggère que le Carême soit aussi un temps de décisions communautaires, de petits et de grands choix à contre-courant, capables de changer la vie quotidienne des personnes et la vie d’un quartier : les habitudes d’achat, le soin de la création, l’inclusion de celui qui n’est pas visible ou de celui qui est méprisé. J’invite chaque communauté chrétienne à faire cela : offrir à ses fidèles des moments pour repenser leur style de vie ; se donner du temps pour vérifier leur présence dans le quartier et leur contribution à le rendre meilleur. Quel malheur si la pénitence chrétienne ressemblait à celle qui attristait Jésus. À nous aussi, il dit : « Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent » (Mt 6, 16). Au contraire, que l’on voie la joie sur les visages, que l’on sente le parfum de la liberté, qu’on libère cet amour qui fait toutes choses nouvelles, en commençant par les plus petites et les plus proches. Cela peut se produire dans chaque communauté chrétienne.

Dans la mesure où ce Carême sera un Carême de conversion, alors l’humanité égarée éprouvera un sursaut de créativité : l’aube d’une nouvelle espérance. Je voudrais vous dire, comme aux jeunes que j’ai rencontrés à Lisbonne l’été dernier : « Cherchez et risquez, cherchez et risquez. À ce tournant de l’histoire, les défis sont énormes, les gémissements douloureux. Nous assistons à une troisième guerre mondiale par morceaux. Prenons le risque de penser que nous ne sommes pas dans une agonie, mais au contraire dans un enfantement ; non pas à la fin, mais au début d’un grand spectacle. Il faut du courage pour penser cela » ( Rencontre avec les jeunes universitaires, 3 août 2023). C’est le courage de la conversion, de la délivrance de l’esclavage. La foi et la charité tiennent la main de cette « petite fille espérance ». Elles lui apprennent à marcher et elle, en même temps, les tire en avant [1].

Je vous bénis tous ainsi que votre cheminement de Carême.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 3 décembre 2023, 1er dimanche de l’Avent.

FRANÇOIS

François: L’Église n’a pas assez écouté la voix des femmes

Nous publions la préface du Pape François au livre «Démasquer l’Église?», une confrontation critique au livre «Principes» de Hans Urs von Balthasar (Edizioni Paoline) paru ces derniers jours. Le volume rassemble les interventions de trois théologiens, la religieuse salésienne Linda Pocher, Lucia Vantini et don Luca Castiglioni, qui ont participé à la réunion du Conseil des cardinaux des 6 fet 7 février afin de réfléchir sur le rôle des femmes dans l’Église.

Pape François

La présence et la contribution des femmes à la vie et à la croissance des communautés ecclésiales par la prière, la réflexion et l’action sont des réalités qui ont toujours enrichi l’Église, et qui constituent même son identité. Pourtant, nous nous sommes rendu compte, en particulier au cours de la préparation et de la célébration du Synode, que nous n’avons pas suffisamment écouté la voix des femmes dans l’Église et que l’Église a encore beaucoup à apprendre d’elles.

Nous devons nous écouter les uns les autres pour «démasculiniser» l’Église, car l’Église est une communion d’hommes et de femmes qui partagent la même foi et la même dignité baptismale. En écoutant vraiment les femmes, nous, les hommes, écoutons quelqu’un qui voit la réalité sous un angle différent et nous sommes ainsi amenés à revoir nos projets, nos priorités. Parfois, nous sommes déconcertés. Parfois, ce que nous entendons est si nouveau, si différent de notre façon de penser et de voir, que cela semble absurde et que nous nous sentons intimidés. Mais cette perplexité est saine, elle nous fait grandir.

Il faut de la patience, du respect mutuel, de l’écoute et de l’ouverture pour vraiment apprendre les uns des autres et avancer comme un seul peuple de Dieu, riche de ses différences, mais marchant ensemble.

C’est précisément pour cette raison que j’ai voulu demander à une femme, une théologienne, de proposer au Conseil des cardinaux un chemin de réflexion sur la présence et le rôle des femmes dans l’Église. Le point de départ de ce parcours est la réflexion de Hans Urs von Balthasar sur les principes marial et pétrinien dans l’Église, une réflexion qui a inspiré le magistère des derniers pontificats dans l’effort de comprendre et de valoriser la présence ecclésiale différente des hommes et des femmes.

Le point d’arrivée, cependant, est entre les mains de Dieu. Prions l’Esprit de nous éclairer et de nous aider à comprendre, à trouver un langage et une pensée efficaces pour nous adresser aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui, dans l’Église et dans le monde, afin que grandissent la conscience de la réciprocité et la pratique de la collaboration entre hommes et femmes.

Je me réjouis qu’à travers cette publication, les réflexions que Lucia Vantini, Luca Castiglioni et Linda Pocher ont offert au Conseil des cardinaux puissent être mises à la disposition de ceux qui souhaitent participer au dialogue synodal et approfondir le thème des relations ecclésiales entre les hommes et les femmes, qui me tient particulièrement à cœur. Il s’agit de réflexions qui tendent à ouvrir plutôt qu’à fermer, qui provoquent la réflexion, invitent à chercher, aident à prier.

C’est ce que je souhaite à ce stade du processus synodal: que nous ne nous lassions pas de marcher ensemble, parce que ce n’est qu’en marchant que nous sommes ce que nous devons être, le corps vivant du Ressuscité en marche, allant à la rencontre de nos frères et sœurs, sans peur, dans les rues du monde. Que Marie, mère de la foi, nous accompagne sur ce chemin !

Cité du Vatican, 8 décembre 202

Traduction de la version originale en italien

Intelligence artificielle : le cri d’alerte du pape François contre un « nouvel esclavage »

 « C’est à l’homme de décider s’il veut devenir la nourriture des algorithmes ou nourrir son cœur de liberté« , a déclaré le pape François dans son message pour la 58e Journée mondiale des communications sociales, célébrée le 24 janvier. Dans une longue réflexion sur l’intelligence artificielle et ses effets sur la communication et la société, il met en garde contre le « spectre d’un nouvel esclavage » et contre la « possibilité que quelques-uns conditionnent la pensée de tous ».

Le 1er janvier dernier, dans son message pour la Journée mondiale de la paix, le pontife s’était déjà attaqué à la problématique de l’intelligence artificielle, exhortant les gouvernements à réguler son utilisation au niveau international par le biais d’un traité. Tout en renouvelant cet appel, il affirme que « la réglementation ne suffit pas » dans un nouveau texte de quatre pages, publié en cette solennité de la Saint François de Sales, patron des journalistes et des communicants.

Dans cette méditation philosophique, le Pape note que la « diffusion accélérée » d’inventions rattachées à l’intelligence artificielle est en train de modifier radicalement l’information et la communication et, à travers elles, « certains des fondements de la cohabitation civile« . Il insiste sur le fait que ce changement « touche tout le monde« , en ce qu’il concerne l’avenir de l’humanité et sa nature même.

Le Pape met cependant en garde contre les « effets paralysants » qu’une lecture catastrophiste du phénomène pourrait entraîner. Il invite donc à ne pas se « raidir contre le nouveau« , mais plutôt à « orienter dans le bon sens la mutation culturelle en cours« .

Notre époque, estime le pape François, est « riche en technique et pauvre en humanité« , et pourtant la réflexion sur l’intelligence artificielle doit partir « du cœur de l’homme« . Contrairement aux machines, cette « sagesse du cœur« , inspirée par « l’Esprit saint », permet de « tisser ensemble le tout et les parties, les décisions et les conséquences, les hauteurs et les fragilités, le passé et l’avenir, le ‘je’ et le ‘nous’ », insiste-t-il.

François reconnaît la supériorité des technologies d’apprentissage automatique sur le plan de la mémorisation des données et leur traitement, « mais c’est à l’homme et à lui seul qu’il revient d’en décrypter le sens« , assure-t-il. Et, prévient-il, « il ne s’agit pas d’exiger que les machines semblent humaines« .

« Les algorithmes ne sont pas neutres »

Le Pape met en garde contre « l’hypnose » de l’homme, critiquant « son délire de toute-puissance » quand il essaye « de surmonter sa vulnérabilité par tous les moyens« . Cette « tentation originaire de devenir Dieu sans Dieu« , que le Pape relie au récit de la Genèse, consiste à « vouloir conquérir par ses propres forces ce qui devrait au contraire être accueilli comme un don de Dieu« .

« Les algorithmes ne sont pas neutres« , insiste le successeur de Pierre qui juge important de pouvoir les « comprendre, appréhender et réguler » pour ne pas courir le risque de les voir tomber « entre de mauvaises mains« . Il alerte en particulier sur le risque de « pollution cognitive » que permet l’intelligence artificielle dans le domaine de la communication et de la presse.

Car ces technologies permettent aux hommes de « communiquer dans des langues qui leur sont inconnues », mais peuvent aussi faciliter la désinformation avec de « fausses nouvelles » – ou des « hyper trucages » audio ou visuels. Le Pape confie d’ailleurs avoir été l’objet de ces images trompeuses – deep fake – générées par l’IA.

Le Pape met aussi en garde contre le phénomène des « chambres d’écho« , un mécanisme qui enferme les personnes dans un « marécage anonyme, au service des intérêts du marché ou du pouvoir » en ne lui donnant accès qu’à une information stéréotypée. « Il n’est pas acceptable que l’utilisation de l’intelligence artificielle conduise à une pensée anonyme, à un assemblage de données non certifiées, à une déresponsabilisation éditoriale collective« , insiste-t-il. Il avertit que l’absence de réaction face à ces réalités fait planer le « spectre d’un nouvel esclavage » en ouvrant à la « possibilité que quelques-uns conditionnent la pensée de tous« .

L’information est relation

Le Pape insiste sur le fait que l’information ne doit pas être coupée de sa dimension « relationnelle » qui « implique le corps, l’être dans la réalité » et doit permettre de relayer non seulement des données, mais aussi « des expériences ». Il oppose alors les effets pervers de la « guerre parallèle » de la désinformation menée par certaines entités et les « reportages de guerre » qui permettent aux personnes de « toucher la souffrance » des victimes des conflits. Il rend d’ailleurs hommage aux nombreux journalistes morts ou blessés sur le terrain.

Sans apporter de réponse définitive, le Pape conclut son texte en listant plusieurs grandes questions auxquelles doit répondre l’humanité concernant l’intelligence artificielle : la protection du professionnalisme des métiers de l’information, la responsabilisation des entreprises développant des plateformes concernant ce qu’elles y diffusent, la durabilité sur le plan écologique de cette technologie « extrêmement énergivore » et sa diffusion dans les pays en voie de développement. Le Pape demande aussi plus de transparence sur les algorithmes des plateformes et des moteurs de recherches (notamment sur la façon dont sont indexées et désindexées les données), sur les processus d’information et contre l’anonymat.

Répondre à ces questions, assure le Pape, pourrait permettre d’ « aligner même les systèmes d’intelligence artificielle sur une communication pleinement humaine« . « C’est à l’homme de décider s’il veut devenir la nourriture des algorithmes ou nourrir son cœur de liberté, sans laquelle on ne grandit pas en sagesse« , conclut-il.

Par Camille Dalmas:

Marie, la bien-aimée de la liturgie

L’année civile commence avec une solennité de la Vierge Marie, honorée le 1er janvier comme « Mère de Dieu ». Le début d’un long chapelet de fêtes consacrées à la mère de tous les croyants. Combien sont-elles, au juste ?

Valdemar de Vaux – publié le 26/01/24

Peut-on vraiment donner une réponse définitive à la question de savoir combien de fois est fêtée la Vierge Marie dans l’année liturgique ? Impossible pour l’homme, mais Dieu doit bien le savoir, lui pour qui « rien n’est impossible » (Lc 1, 37), comme le rappelle l’ange Gabriel à Marie, justement. Dans son ouvrage La Vierge Marie fêtée par l’Église, le bénédictin dom Guy Oury, qui fut moine de Solesmes, en explique treize. Plus d’une par mois, donc, même si ni mars ni avril n’honore la mère des croyants.

Pourtant, les choses ne sont pas si simples. D’abord parce que deux fêtes du Seigneur sont intimement liées à Notre-Dame. Le 2 février, fête de la « Présentation du Seigneur », fut jusqu’à la réforme conciliaire celle de la « Purification de la Vierge Marie ». Le mystère du Christ contemplé alors ne change pas, mais la primauté est accordée au Fils, bien que Marie, en offrant son nouveau-né à Dieu, offre aussi son âme « traversée d’un glaive » d’après la prophétie d’Anne. Quant au 25 mars, solennité du Seigneur commémorant l’Annonciation, il met à l’honneur l’Incarnation, qui unit les chairs filiale et maternelle. 

L’œuvre de Dieu pour l’humanité au cœur de la liturgie

Ce mystère de l’Incarnation est d’ailleurs, d’après dom Oury, ce qui permet de comprendre « la fonction capitale de Notre-Dame : Marie a mis au monde le Fils de Dieu, lui donnant un corps semblable au nôtre, tiré de sa chair virginale, et a rendu possible par là son insertion dans la famille humaine. […] Notre-Dame est donc l’assise toute première de l’édifice surnaturel que l’Église vient réaliser sur terre ; sans Marie, l’Église n’aurait pu naître, Dieu en ayant ainsi disposé. »

L’Église, dont la Vierge Marie est la figure et qui a pour acte de naissance le fiat de la « servante du Seigneur », rend donc à la mère du Sauveur le culte qui lui est dû, mais qui est toujours ordonné à Jésus lui-même, selon l’adage spirituel de saint Louis-Marie : « à Jésus, par Marie ». Du 1er janvier (Mère de Dieu) au 8 décembre (Immaculée conception), en passant par le 11 février (Notre-Dame de Lourdes), le lendemain du Sacré-Cœur (Cœur immaculé), le 31 mai (la Visitation), le 16 juillet (Notre-Dame du Mont-Carmel), le 5 août (Dédicace de sainte Marie Majeure), le 15 août (l’Assomption), le 22 août (Marie Reine), le 8 septembre (la Nativité), le 15 septembre (Notre-Dame des Douleurs), le 7 octobre (Notre-Dame du Rosaire) et le 21 novembre (Présentation de Marie au Temple), c’est l’œuvre de Dieu pour l’humanité qui est au cœur de la liturgie. 

De nombreuses apparitions de Marie

La constitution conciliaire sur la liturgie l’explicite ainsi : « En célébrant le cycle annuel des mystères du Christ, la sainte Église vénère avec un particulier amour la bienheureuse Marie, mère de Dieu, qui est unie à son Fils dans l’œuvre salutaire par un lien indissoluble ; en Marie, l’Église admire et exalte le fruit le plus excellent de la Rédemption, et, comme dans une image très pure, elle contemple avec joie ce qu’elle-même désire et espère tout entière. » (Sacrosanctum concilium, §103)

Et, si le nombre de fêtes qui honorent Notre-Dame est innombrable, c’est aussi à cause de la multitude des lieux où la Vierge est apparue, de celle des sanctuaires qui lui sont dédiés et de celle des endroits où la tradition la prie depuis des siècles entiers : du Mexique (Guadalupe, le 12 décembre) à la Terre sainte (Palestine, le 25 octobre), en passant par la Mongolie (Mozishan, le 2 août) ou le Rwanda (Kibeho, le 28 novembre). Rien qu’en France, la Mère du Sauveur est apparue dans dix-huit lieux reconnus par l’Église… terre bénie où la patronne n’est autre que Notre-Dame de l’Assomption.