traditional religious painting in a church

Être saint pour permettre aux autres de le devenir

On oublie trop souvent de dire cette vérité essentielle : on devient saint parce qu’on veut permettre aux autres de le devenir. Non par ses propres forces, explique le père Benoist de Sinety, curé-doyen de la paroisse de Lille-centre, mais en laissant son cœur être dilaté par l’amour de Dieu.

Plusieurs religieux catholiques relatent de nombreuses exactions au Cameroun. Des miliciens étrangers qui tirent à balles réelles sur des jeunes et des femmes au Nord, à l’Ouest et dans la région du Littoral. De nombreuses personnes sont emmenées dans des lieux inconnus. Le père Ludovic Lado, sj, relate dans des vidéos facilement accessibles, la situation de nombreux adolescents qui sont arrêtés arbitrairement, blessés ou assassinés. Pour l’instant, mais pour combien de temps ? les résistants demeurent plutôt non-violents devant la violence d’un tyran de 92 ans qui s’accroche au pouvoir. Il suffirait de si peu pour que Paul Biya accueille cette vérité qu’il n’est plus souhaité par son peuple pour le conduire. Mais les enjeux sont si grands pour les puissances en place et pour les finances de quelques-uns…

Mort singée et mort subie

Élu pour la première fois en 1984, mais dans l’appareil politique de son pays depuis l’indépendance le 1er janvier 1960, celui qui a introduit le multipartisme contraint et forcé par les grandes puissances environnantes, ancien étudiant en Sorbonne et à l’Institut de Sciences politiques de Paris, n’hésite pas à continuer à se présenter comme le père de la nation. De l’avis de beaucoup d’observateurs, la situation ne cesse de se tendre et risque de devenir intenable si rien n’est fait pour faire entendre raison à l’autocrate. 

En croisant en cette veille de la Toussaint les étudiants joyeux, tout épris de la fête d’Halloween au point d’en revêtir les masques de mort et de peur, je pensais aux visages de ces jeunes Camerounais habités par le courage et par l’ambition de construire un pays plus juste. On est pris de vertige devant cette mort que l’on singe ici et que l’on subit là-bas. Il ne s’agit pas de stigmatiser ceux qui s’amusent, même si les mœurs importées d’outre-Atlantique ne sont pas des plus élégantes. Il s’agit de s’interroger : après tout n’est-ce pas le sens de ce 1er novembre ?

Désirer le meilleur pour les autres

Qu’est-ce en effet que la sainteté sinon de désirer avant toute autre chose que l’autre puisse y parvenir ? On a (trop) longtemps expliqué au baptisé qu’il lui fallait parvenir à cet idéal, en fait inatteignable par ses seules forces. On n’est pas saint à la force du poignet. Les confessionnaux débordent de jeunes gens désespérés de ne pouvoir y parvenir par le seul exercice de leur volonté et la pratique des vertus enseignées. On oublie trop souvent de leur dire cette vérité essentielle : on devient saint parce qu’on veut permettre aux autres de le devenir. C’est parce que l’amour peut transfigurer une vie au point de faire désirer le meilleur pour les autres avant de le revendiquer pour soi, que l’on accède à la sainteté. 

Au diable l’individualisme narcissique qui nous pousse à nous examiner sous toutes les coutures et mesurer avec anxiété si nous progressons ou pas ! Vouloir être saint c’est accepter de laisser son cœur être dilaté par l’amour de Dieu et apprendre à regarder l’autre comme un frère pour lequel on veut le meilleur, plutôt que de le voir comme un étranger ou un concurrent. Évoquer la situation tragique dans laquelle se trouve ce grand pays qu’est le Cameroun nous renvoie à cela. De même que les prières universelles de nos messes dominicales ne sont pas la récitation des grands titres du 20h : elles sont plutôt l’écho de ce désir que tout baptisé doit accueillir en lui que le monde progresse vers la paix et la justice afin que des hommes et des femmes de plus en plus nombreux puissent y découvrir et y goûter la puissance de l’Amour de Dieu.

La dévotion au Sacré Cœur

Plutôt que nous grimer avec les masques d’une mort que nous redoutons, nous devrions être attentifs à lutter autour de nous contre ce qui entraîne nos frères vers celle-ci. La dévotion au Sacré Cœur de Jésus ne nous invite pas à autre chose : ne pas garder pour nous ce que nous découvrons de ce fleuve de miséricorde et de bonté, mais nous y désaltérer pour à notre tour et là où nous sommes, le communiquer au monde, en actes et en vérité.