[HOMÉLIE] Prendre Dieu à témoin, le dérapage de Marthe
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Juil, 2025
[HOMÉLIE] Prendre Dieu à témoin, le dérapage de Marthe
Le père Christian Lancrey-Javal commente l’évangile du 16e dimanche du temps ordinaire. Le baptême aide à comprendre en quoi l’évangile de Marthe et Marie figure la réalité de l’Église. Comme Marthe, ne dérapons-nous pas en prenant Dieu à témoin de nos affaires ?
Pour un baptême d’un petit enfant, il arrive que ses parents demandent s’il est possible qu’il ait deux marraines, n’arrivant pas à choisir entre Marthe et Marie, entre l’efficacité débordante de l’une et la douceur admirative de l’autre. Je plaisante ! Il n’y a pas à choisir entre Marthe et Marie, parce qu’elles ne sont pas deux types de caractère mais deux relations à Dieu à un moment donné de notre histoire. Nous sommes tous Marthe et Marie.
Un beau signe d’égalité
Il arrive aussi que les parents viennent avec deux marraines faute d’avoir trouvé un parrain. « Où sont les hommes ? » J’ai eu aussi une maman précautionneuse qui avait pris pour sa fille deux parrains et deux marraines pour être sûre qu’au moins l’une ou l’autre tienne la route. Les épreuves de la vie lui ont donné raison, car c’est dans les épreuves que se révèlent les vrais amis. En réalité, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un parrain ET une marraine, un seul suffit, mais il est bon qu’ils soient deux pour que tout acte public soit établi en présence de deux témoins, sachant en l’occurrence qu’ils ne sont pas un couple potentiel de substitution : jusqu’au XVIIe siècle, il était interdit au parrain d’épouser la marraine.
Qu’il y ait un parrain et une marraine est un beau signe d’égalité de l’homme et de la femme, leur présence aux côtés des parents au jour de la célébration signifiant que l’enfant n’est pas baptisé dans la foi de ses parents mais dans la foi de l’Église. Ils représentent la communauté et ils proclament aux côtés et parfois à la place des parents la foi de l’Église.
Croire sur parole
Par ailleurs, leur demander de fournir un certificat de baptême est une tracasserie inutile car si on voulait s’assurer de leur catholicité, il faudrait leur demander un « billet de confession » comme cela existait jadis, ou un certificat de moralité délivré par le curé de leur paroisse comme cela se fait dans certains pays. Il y a des paroisses qui demandent un acte de naissance de l’enfant : quel manque de respect à l’égard des parents ! S’ils nous disent que c’est leur enfant, nous les croyons sur parole. S’ils nous disent que le parrain et la marraine sont baptisés, nous les croyons. Si, dans l’Église, nous ne croyons pas les gens sur parole, nous ne sommes pas dignes du Christ.
Prendre Dieu à témoin
Bien sûr qu’il y a des personnes qui cherchent à nous tromper. Comme dit saint Paul « ils mangent leur propre condamnation » (cf. 1 Co 11, 29). Justice sera faite à l’heure du Jugement. Dieu seul est Juge. C’est ce qu’oublient ceux qui le prennent à partie, qui veulent que Dieu intervienne dans nos affaires courantes, comme nous le voyons ici d’une femme aussi remarquable que Marthe qui, alors qu’elle fait une des plus belles professions de foi de l’évangile au moment de la mort de son frère Lazare (Jn 11, 27), cède à la tentation de prendre Dieu à témoin. Nous l’entendrons encore prochainement d’un homme qui apostrophe Jésus du milieu de la foule : « Dis à mon frère qu’il partage avec moi notre héritage » (Lc 12, 13). La réponse de Jésus est cinglante : « Homme, qui m’a établi pour être votre juge, ou pour trancher vos divisions ? »
« Seigneur, cela ne te fait rien ? » On pourrait appeler cette scène : le dérapage de Marthe. Prendre Dieu à témoin ! C’est Dieu qui prend le Ciel et la terre à témoin, au début du livre d’Isaïe : « Cieux, écoutez ; terre, prête l’oreille, car le Seigneur a parlé. J’ai fait grandir des enfants, je les ai élevés, mais ils se sont révoltés contre moi » (Is 1, 2). Dieu prendra le Ciel et la terre à témoin à l’heure du jugement : les moindres détails de notre vie seront dans la lumière, comme la façon dont nous nous serons occupés de nos filleuls de baptême.
Autant Marthe que Marie
Marthe et Marie est une figure de l’Église. Au jour du baptême, le parrain et la marraine manifestent que l’enfant est baptisé dans la foi de l’Église et non en proportion de la foi de ses parents. Ils font bien plus que cela : ils manifestent que l’Église est autant celle de Marthe que celle de Marie. Autant celle du service que celle de la prière, le service dont l’organisation est confiée à l’apôtre Pierre que la prière dont le modèle est la Vierge Marie.
Il ne suffit pas d’être au service pour être dans la charité. Marthe en est l’exemple malgré elle, « accaparée » — le mot veut presque dire aveuglée — au point d’oublier la leçon du Christ dans le Sermon sur la montagne : « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » (Mt 6, 4). Quand tu rends service, ne va pas t’en vanter, ni demander à Dieu que les autres fassent pareil : tu ne sais pas ce qu’il demande à chacun. La bonne part ou la meilleure part que Marie a choisie est celle de l’humilité et la discrétion. Assise aux pieds du Seigneur, elle écoutait sa parole. Sans la prière, la charité est une lampe qui finit par s’éteindre. Marthe et Marie, les deux sœurs, sont nos marraines de prière et de cœur.
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