Devant l’escalade de la violence politique et son sinistre spectacle, les chrétiens portent la seule cause qui vaille : celle du refus de la violence. Curé doyen de la ville de Lille, le père Benoist de Sinety appelle à privilégier le dialogue sur l’anathème.
Benoist de Sinety – publié le 07/07/24
Et si on calmait le jeu ? Histoire de se rappeler, simplement, que nous sommes des hommes, des femmes, qui appartiennent à une même nation et qui avancent vers un même destin. Si on arrêtait de jouer la carte du pire pour espérer l’emporter ? Voici qu’un ministre de l’Intérieur évoque 51 actes de violences contre des militants ou des candidats. Autant d’actes répréhensibles, autant de poursuites et sans doute de condamnations. Mais c’est un peu rapidement oublier que toute campagne comporte des actes de violence : les colleurs d’affiches d’autrefois qui mettaient des lames de rasoir à destination de qui oserait les arracher, bagarres entre militants dans les collages de nuit…
Violences de part et d’autre
Une amie m’envoyait hier le SMS reçu par sa fille, que voici (avec l’orthographe digne d’un enfant de CP) : « Bonjour, votre profil a été repéré comme supportant de la propagande rn et a été ajouté à la liste des militants repertoriés rn qui sera utilisée pour la chasse au nazi qui aura lieu si le rn passe dimanche. Toute ces personnes sont déjà entrain (sic) d’être étudiées et retrouvées et seront défigurées par une milice dédiée (ils ont pour ordre que la personne nazi tabassée soit irreconnaissable) ». D’autres évoquent des militants d’extrême-droite prenant en photo des compatriotes sortant de réunion du Nouveau Front populaire et les menaçant, eux aussi, de « faire des listes ».
On joue avec la violence de part et d’autre, des sommets de l’État jusque dans les quartiers. On joue à se faire peur, jusqu’au jour où on y arrive. Les chaînes d’infos vendent mieux leurs espaces de pub, les invités des plateaux prennent l’air grave et sentencieux. Nous rêvons tellement d’être des Américains, que nous fantasmons leurs hoquets démocratiques.
Une France « à vif »
Il est vrai, par ailleurs, que la classe politique est depuis belle lurette, dévalorisée : séries télévisées qui présentent tout sous le prisme du complot et du cynisme, humoristes qui, pour combler leur manque d’inspiration, se ruent sur l’humour facile, commentateurs salariés qui ne cessent de dénoncer les erreurs des gouvernants sans avoir jamais eux-mêmes pris le risque d’y rechercher les choses positives.
Il faut infiniment plus de courage pour résister à la violence que pour y succomber.
Il y a une France « à vif » : une France qui souffre d’être méprisée, d’être relayée, qui s’entend dire que le bonheur se trouve de l’autre côté de la rue et qui ne comprend plus qui peut la représenter légitimement. Il manque un cap. Il manque une vision. Il manque une générosité. À qui la faute ? Sans doute pas simplement aux politiques, mais à l’esprit de show, d’entertainment dans lequel on les maintient. Il leur faut en permanence être dans les codes d’une communication, au risque de ne faire que répéter avec des intonations différentes, les mêmes choses. Mais cette France à vif n’est pas pour autant violente. Ils sont très peu nombreux ceux qui rêvent du grand soir : quelques dingues qui n’ont jamais enterré Trotski, et quelques nervis qui gonflent leurs muscles devant le miroir narcissique d’une nostalgie stérile. Il faut infiniment plus de courage pour résister à la violence que pour y succomber. Les vrais héros sont ceux qui se refusent à sombrer dans l’esprit de revanche et qui prennent le risque d’être conspués et traités de lâches par ceux qui s’y précipitent sans réfléchir.
Le dialogue plutôt que l’anathème
Après avoir agité le spectre du fascisme, puis celui du marxisme, voici que paraît maintenant celui de l’absence de tout gouvernement. Cette danse macabre ne peut pas être l’avenir de notre pays. Nous valons collectivement mieux que cela. Et parce que tout cela ne présage rien de simple, il ne serait sans doute pas inutile que tous ceux qui se refusent à ce sinistre spectacle, s’affichent comme militants de la seule cause qui vaille : celle du refus de la violence, condition absolue de la démocratie. En commençant par exemple par se rendre au bureau de vote en arborant un symbole de paix : un brassard blanc par exemple ? Se manifestant ainsi comme désireux de privilégier le dialogue sur l’anathème, la rencontre sur la défiance, l’espérance sur le cynisme, la bonté sur le mépris…
On nous explique que le vote des baptisés est maintenant, lui aussi, explosé. On ose poser ici l’acte de foi de croire que dans leur immense majorité, les disciples du Christ sauront vivre l’Évangile quoi qu’il en coûte de leurs colères, parfois légitimes, et leurs désirs de revanche… Et qu’ils s’affichent au cœur de toute violence, comme porteurs de la présence du Prince de la Paix.