Curé de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, le père Simon d’Artigue commente l’évangile de la Nativité du Seigneur (Lc 2, 1-14). La nuit de Noël, il faut juste s’approcher de la crèche : non comme l’empereur ou les aubergistes, mais comme les anges, comme les bergers, comme Marie et Joseph, et se laisser aimer par Jésus qui vient.
Simon d’Artigue – publié le 23/12/23
Elle est belle cette cathédrale, elle est un peu tordue bien sûr, et froide aussi, beaucoup de de monde vient la visiter qui regarde les voûtes, le retable, les stèles, l’orgue… mais tout cela n’a été construit que pour une seule raison : pour Jésus. C’est beau Noël, Toulouse qui se décore, les rues pleines de lumière, les magasins qui regorgent de cadeaux que nous sommes allés acheter… mais toute cette fête n’a qu’un sens : fêter l’anniversaire de Jésus, sa naissance il y a 2023 ans.
Redonner son sens à Noël
Nos crèches, cette crèche que vous avez installée chez vous, avec tous ces personnages qui viennent pas à pas vers l’étable de Bethléem, tous ces gens qui marchent dans la même direction avec un seul but, voir Jésus, rencontrer Jésus. C’est très important d’installer une crèche chez soi pendant le temps de l’Avent, cela nous rappelle le sens de Noël, cela nous rappelle que Noël ce n’est pas d’abord le marché de Noël, ce n’est pas non plus les cadeaux de Noël, ce n’est pas la bûche de Noël, ce n’est pas non plus la fête de la famille, ou une fête perdue parmi les fêtes de fin d’année, ce n’est pas une grosse dinde fourrée aux marrons, ce n’est évidemment pas le père Noël (ce gros usurpateur) — attention ! je ne dis pas que ces choses sont mauvaises, elles sont même plutôt bonnes, mais elles pourraient nous faire oublier le vrai sens de Noël : Noël, c’est Jésus.
Enlevez Jésus à Noël, il ne reste plus rien, car il est le centre, il est le sens de cette fête. Vous savez comme c’est triste de faire la fête sans savoir pourquoi l’on fait la fête, tout comme c’est désespérant de vivre sans savoir pourquoi l’on vit. Cette nuit, Jésus vient redonner un sens à Noël, peut-être même redonner un sens à nos vies. Et pour cela, approchons-nous de la crèche et regardons chacun des personnages, chacun d’eux à quelque chose à nous apprendre, chacun nous indique une attitude, une manière d’être. Sans reprendre tous les personnages de la crèche de votre maison, attardons-nous sur ceux dont nous parle l’évangile.
Le contrôle de l’empereur et l’encombrement des aubergistes
Le premier, c’est l’empereur Auguste. Il a la manie des chiffres — c’est un travers de ceux qui gouvernent, ils aiment compter, ça les rassure. Lui, il voulait recenser toute la terre. Son problème, c’est qu’à force de vouloir tout savoir, de vouloir tout connaître, de vouloir tout maîtriser, il risque de passer à côté de l’essentiel. Pauvre Auguste ! Il lui aurait suffi de savoir compter jusqu’à un, il lui aurait suffi d’être attentif à ce qui se passait à Bethléem cette nuit-là, car il ne s’agissait pas tant de tout maîtriser, que d’accueillir.
Comme il y a 2000 ans, Jésus vient frapper à la porte de nos vies, à la porte de nos cœurs : n’y aurait-il pas un peu de place pour moi chez toi ?
À la crèche, il y a aussi les aubergistes de Bethléem, ceux qui ont dit à Marie enceinte et à Joseph que « désolé » ! il n’y a pas de place pour vous chez nous, c’est complet », les obligeant à se retrouver dans une étable. Trop encombrés, les aubergistes n’ont pas de place pour Jésus. Peut-être qu’ils nous ressemblent un peu ces aubergistes avec nos vies si pleines d’activités, pleine de soucis, pleine de temps perdu devant nos écrans, si pleine et souvent si épuisantes, si pleine et pourtant parfois un peu vides, comme s’il nous manquait quelque chose, comme s’il nous manquait du sens, comme s’il nous manquait quelqu’un. Et comme il y a 2000 ans, comme aux portes de l’auberge de Bethléem, Jésus vient frapper à la porte de nos vies, à la porte de nos cœurs : n’y aurait-il pas un peu de place pour moi chez toi ? Et si vous, en cette nuit de Noël, vous ouvrez votre porte à Marie et à Joseph, vous faites une place à Jésus dans votre vie, ne la refermez pas, ne le chassez pas, ne l’oubliez pas une fois la messe de Noël terminée.
L’annonce des anges et le silence de Joseph
Après l’empereur et les aubergistes, il y a les anges qui annoncent la bonne nouvelle : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple » (Lc 2, 14). Nous avons tellement besoin d’entendre des bonnes nouvelles ! Le matin, nous entendons à la radio s’égrener toutes les mauvaises nouvelles : l’Ukraine, puis l’Arménie, puis Gaza, la crise qui vient, le Covid qui menace à nouveau, le stade toulousain dont l’infirmerie est complète… Comment ne pas avoir le moral ? Nous avons besoin de bonnes nouvelles, d’une bonne nouvelle… Le conseil des anges est celui-ci : coupez votre radio, éteignez votre télévision, fermez vos réseaux sociaux et ouvrez l’Évangile, elle est là la bonne nouvelle dont nous avons besoin.
À la crèche, il y a surtout Joseph. Son problème est qu’il est très discret, il ne dit pas un mot. Dans un monde qui crie, dans un monde bruyant, dans un monde ou pour se faire entendre il faut être un influenceur aux 7 millions de followers, autant vous dire que Joseph le taiseux, Joseph le silencieux passe inaperçu. Et pourtant, ce bon Joseph, c’est lui qui a raison : « Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit. » Joseph, tu as raison de cultiver le silence, comme si « notre monde moderne était une espèce de conspiration contre le silence, une conspiration contre toute forme de vie intérieure » (Bernanos), car c’est cela que tu nous enseignes : la vie intérieure comme le bien le plus précieux de l’homme
À l’école de Marie
Enfin, à la crèche, il y a Marie, Marie qui croit, Marie qui espère, Marie qui aime, elle nous enseigne ces trois attitudes, ces trois vertus : croire, espérer, aimer, c’est tout ce dont nous avons besoin aujourd’hui. Tout ce dont notre monde a besoin — la foi, l’espérance et l’amour — ne se trouve pas au marché de Noël, ni se s’apprend à l’école. Nous ne l’apprenons qu’à l’école de Marie, à l’école de la crèche où l’on n’achète rien mais où l’on reçoit gratuitement de celui qui est venu nous l’offrir, de celui dont le cœur déborde, celui que Marie tient dans ses bras : Jésus.
Le grand cadeau de Noël
À la crèche, il y a Auguste qui compte, il y a les aubergistes qui rejettent, il y a les bergers qui attendent, qui espèrent, qui veillent, il y a Joseph qui contemple en silence, il y a Marie qui croit, qui aime et qui espère. À la crèche, il y a Jésus qui sauve, il y a Jésus qui te sauve, ce soir à la crèche il y a toi. Et notre vie peut être transformée par la venue de Jésus. Ce qui c’est passé dans cette étable à Bethléem a changé le monde. Si tu accueilles Jésus aujourd’hui, ce soir dans ta vie, dans ton cœur, Il peut le transformer. « Paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2, 14) : c’est cela qu’Il est venu apporter, la paix. La paix pour chacun de nous ici, la paix parce qu’Il nous aime. Cette nuit de Noël, il ne faut pas compter, il ne faut pas exclure, il faut juste s’approcher de la crèche : comme les anges, comme les bergers, comme Marie et Joseph. S’approcher de Jésus et se laisser aimer, le laisser nous aimer. C’est cela le grand cadeau de Noël.